
Certaines expressions semblent défier toute tentative de traduction. Elles n’ont pas d’équivalent direct dans une autre langue, et leur sens repose souvent sur un mélange de contexte culturel, de perception émotionnelle et de références propres à une société. Ce sont des expressions « intraduisibles ».
En tant qu’agence de traduction, nous sommes confrontés chaque jour à ces subtilités linguistiques. Elles nous rappellent que traduire, c’est aussi comprendre ce qui ne se dit pas explicitement. Voici cinq expressions intraduisibles particulièrement intéressantes, qui illustrent à quel point les langues sont intimement liées aux cultures.
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« Kuchi sabishii » – Japon
Cette expression japonaise se traduit littéralement par « avoir la bouche seule ». Elle désigne le fait de manger ou de grignoter sans avoir faim, simplement parce que l’on ressent un vide, une envie d’occuper sa bouche. En français, nous pourrions parler de « manger par ennui », mais l’expression japonaise évoque une sensation bien plus subtile et spécifique.
Elle révèle une sensibilité culturelle marquée par l’attention portée aux sensations intérieures et à l’équilibre entre corps et esprit.
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« Lagom » – Suède
« Ni trop, ni trop peu, juste ce qu’il faut » : voici ce que signifie ce mot suédois. Il n’existe pas de traduction unique pour le terme « lagom », qui désigne un idéal d’équilibre dans tous les aspects de la vie. C’est une notion très ancrée dans la culture suédoise, que l’on retrouve aussi bien dans les relations sociales que dans les habitudes de consommation ou le rapport au travail.
Traduire ce concept nécessite de le reformuler selon le contexte, en expliquant l’idée d’une juste mesure.


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« Saudade » – Brésil / Portugal
Probablement l’une des expressions intraduisibles les plus célèbres. « Saudade » désigne une forme de nostalgie mêlée de mélancolie, le manque d’une personne, d’un lieu ou d’un moment que l’on a aimé et que l’on ne peut pas retrouver. Ce n’est ni simplement de la tristesse, ni une simple envie : c’est un sentiment profond, ambivalent, parfois agréable malgré la douleur.
Cette expression, très présente dans la culture lusophone, montre à quel point certaines émotions sont universelles, mais se formulent différemment selon les langues.
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« Kummerspeck » – Allemagne
Littéralement « le lard de la peine », cette expression allemande désigne les kilos que l’on prend en mangeant de manière excessive à cause d’un chagrin ou d’un stress émotionnel. Le mot combine l’idée de douleur (« Kummer ») et celle de nourriture (« Speck », le lard), dans une formule à la fois imagée, précise et teintée d’humour.
Elle illustre le style direct et expressif de l’allemand, ainsi qu’un rapport très concret à l’émotion.
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« Sisu » – Finlande
Le terme « sisu » est difficilement traduisible car il incarne un concept culturel plus qu’un simple mot. Il renvoie à la force intérieure, au courage et à la persévérance face à l’adversité. C’est une forme de résilience silencieuse, une capacité à continuer coûte que coûte, même lorsque les chances sont faibles.
Ce mot représente une valeur fondamentale de la culture finlandaise. Pour le traduire, il faut souvent avoir recours à une périphrase ou à une reformulation selon le contexte.
Pourquoi ces expressions intraduisibles intéressent les traducteurs
Ces cinq exemples ne sont qu’un aperçu des centaines d’expressions « intraduisibles » que l’on trouve dans toutes les langues. Elles posent un défi de taille aux traducteurs professionnels : comment restituer leur sens, leur charge émotionnelle ou leur ancrage culturel sans en trahir l’esprit ?
C’est dans ces situations que l’intervention humaine prend tout son sens. Une traduction automatique ou littérale ne peut capter ces nuances. Seul un traducteur expérimenté, capable de comprendre le contexte, le registre et la culture d’origine comme celle de destination, saura adapter le message de manière pertinente.